Plomb dans les logements : des juges confrontés à la réalité de l’indécence masquée
30 Juin 2025

Plomb dans les logements : des juges confrontés à la réalité de l’indécence masquée

Alors que la précarité énergétique occupe le devant de la scène médiatique, une autre forme de vulnérabilité locative revient par la petite porte : celle liée à la présence de plomb. Souvent relégué au second plan, ce risque sanitaire, pourtant bien connu, continue de poser des problèmes d’interprétation dans les contentieux opposant locataires et bailleurs.

Une lecture encore hésitante de la notion d’indécence

Trois décisions récentes montrent combien la réponse judiciaire peut varier selon les juridictions. À Saint-Étienne, un diagnostic révélant un niveau de risque élevé n’a ainsi pas suffi à faire reconnaître l’indécence. Le juge, considérant que les peintures étaient « en bon état », a rejeté toute demande de suspension de loyer. À Bordeaux, le contexte était tout autre : plomb, humidité, nuisibles, isolation défaillante… Autant de facteurs qui ont conduit à une suspension du bail et à la reconnaissance d’un préjudice de jouissance. À Paris, c’est une voie intermédiaire qui a été choisie : le trouble de jouissance est indemnisé, mais le bail reste valide.

Le plomb, révélateur d’un déséquilibre contractuel

Ces divergences de traitement montrent que le diagnostic technique seul ne suffit pas. Le juge s’appuie sur un ensemble de preuves : état général du bien, correspondance entre les parties, constats complémentaires. Le bailleur, de son côté, ne peut se retrancher derrière un document pour se soustraire à son obligation de délivrer un logement sain. Le plomb devient ici le symbole d’une défaillance structurelle dans la gestion du parc locatif ancien.

Une vigilance accrue pour les professionnels

Ces contentieux interrogent également les pratiques de la filière du diagnostic immobilier. Si les opérateurs ont pour mission de repérer la présence de plomb et de la signaler avec précision, la suite donnée à leur travail dépend cependant des autres acteurs : bailleurs, collectivités, voire les juridictions. Le diagnostiqueur n’est pas un arbitre, mais un maillon essentiel. Son rôle doit donc s’inscrire dans une chaîne de responsabilités où le repérage mène à l’action.

Face à des risques silencieux mais persistants, il devient alors urgent d’articuler diagnostic, prévention et protection effective des occupants. Car un bail ne peut ignorer l’état réel des murs qui l’abritent.